Chaudes-Aigues, trois mois d’errance, deux communiqués, et un réveil soudain

Il y a des histoires qui résument à elles seules la manière dont fonctionnent nos institutions. Celle-ci commence il y a plus de trois mois, quand un homme, livré à lui-même, s’est installé à l’entrée du village. Deux valises pour tout mobilier, une tonnelle rafistolée pour seul toit, et un quotidien fait d’errance, de gestes agités et de mots perdus dans le vide.
Rien d’hostile, rien d’agressif, mais un état psychique qui se dégradait de semaine en semaine, visible pour quiconque prenait le temps de regarder. Pendant ce temps-là, Chaudes-Aigues observait un homme dormir dehors sous la pluie… alors qu’il était officiellement assigné à résidence.
Assigné.
À résidence.
Sans résidence.
Il faut reconnaître que l’administration française a parfois un sens de l’ironie involontaire.
Août : une conversation, et une première version officielle
Fin août, une commerçante a posé la seule question qui comptait :
« Qui est cet homme livré à lui-même dans nos rues ? »
La réponse du premier adjoint avait de quoi surprendre : OQTF, 45 jours pour contester, pointage quotidien à Neuvéglise, transport depuis Chaudes-Aigues assuré par la gendarmerie.
Un récit déjà improbable, mais cohérent, à défaut d’être rassurant.
Trois mois plus tard, un communiqué du maire est venu balayer tout cela :
Pas d’OQTF.
Juste une assignation à résidence… dans la rue.
Les habitants font ce que l’État ne fait pas
Pendant ce temps, certains ont essayé d’aider. Une tente. Une tonnelle. Quelques vêtements chauds. Des chaussures.
De la solidarité, de la vraie. Mais rien qui remplace un toit, un suivi, un cadre.
On ne demande pas à un village de faire le travail d’une préfecture.
2 novembre : écrire, faute de réponses
Le 2 novembre, un courrier a été adressé à la mairie et à la Préfecture du Cantal.
Sans réponse.
Le 10 novembre, ce sont plus de 200 députés qui ont été contactés, dont ceux du Cantal.
Deux ont répondu : Joëlle Mélin et Laurent Jacobelli, promettant d’agir auprès des services concernés.
Et pendant ce temps, l’homme continuait de parler seul, de gesticuler, de s’agiter.
Trois mois d’attente, trois mois d’incompréhension.
Alors oui : il fallait parler publiquement
Devant une inertie devenue incompréhensible, nous avons pris la parole publiquement.
Un post clair :
combien de temps cela va-t-il durer ?
Les habitants ont réagi immédiatement.
Messages privés. Discussions en face. Peur, fatigue, incompréhension.
Un ras-le-bol profond, mais resté silencieux jusqu’alors.
Et tout à coup, la mairie a communiqué.
14 novembre – 11 h : premier communiqué
La mairie explique être démunie, sans réponse des institutions, malgré la bonne volonté de certains habitants et d’une association de Saint-Flour.
Trois mois après le début de la situation, c’était la première communication officielle.
14 novembre – 19 h : second communiqué
Huit heures après le premier, un second communiqué annonce que l’homme sera transféré dans une structure d’accueil à Saint-Flour.
Huit heures pour régler ce qui bloquait depuis plus de trois mois.
On ne sait pas si c’est un exploit administratif, mais c’est révélateur.
Communication : l’outil oublié
Pour éviter les extrapolations, les inquiétudes, les fantasmes, il existe un outil très simple : parler aux habitants.
Aujourd’hui, un village peut communiquer en quelques minutes : réseaux sociaux, site internet, affichage, réunions, lettres ouvertes.
Informer évite les tensions.
Et dans un village, tout le monde est concerné par tout.
Conclusion
Cette affaire montre, une fois encore, que certains dossiers n’avancent que lorsque les citoyens prennent la parole.
Quand les habitants s’expriment ensemble, les lignes bougent.
Et parfois très vite.
À l’approche des élections municipales, laisser s’installer un mécontentement généralisé n’était sans doute pas une option.
C’est regrettable, oui.
Mais c’est aussi rassurant :
la parole citoyenne reste un contrepoids réel, ici plus qu’ailleurs.
L’homme est désormais à l’abri.
Les habitants respirent.
Et Chaudes-Aigues se souvient qu’un village fonctionne mieux quand on parle… au lieu de laisser pourrir les situations.
