À Caleden et au Lioran, non à la professionnalisation des politiques

Gérée par l’un des vice-présidents du Conseil départemental du Cantal, la station de ski du Lioran est en proie à d’importantes difficultés. Une configuration qui rappelle celle de Caleden avec, en toile de fond, une question majeure : le bien-fondé de la professionnalisation des politiques.

Caleden et Le Lioran : si loin, si proches

Une soixantaine de kilomètres séparent le village de Chaudes-Aigues du Lioran, station de sports d’hiver située au cœur des monts du Cantal, en grande partie sur la commune de Laveissière. A priori, leur seul dénominateur commun est leur département. Pour le reste, rien de semblable à première vue ; le premier appartient au parc naturel régional de l’Aubrac et a fondé sa réputation sur la chaleur de ses eaux, quand la seconde campe sur le parc des Volcans d’Auvergne et attire pour sa poudreuse et ses pistes enneigées.

Pourtant, aux deux opposés du thermomètre, c’est bien une question commune qui occupe l’actualité des derniers mois : la présidence des deux pôles d’attractivité majeurs de ces sites est-elle à la hauteur ? À Chaudes-Aigues, c’est Caleden qui est en proie à de graves problèmes depuis l’automne 2018. Et au Lioran, c’est dans toute la station que le torchon brûle.

« Ces derniers mois, le fossé n’a cessé de se creuser entre les instances dirigeantes de la SAEM Super Lioran Développement, qui exploite la station de ski alpin du Cantal, et une grande partie du personnel », résume le journal La Montagne. « Tant et si bien qu'un courrier incendiaire est arrivé sur le bureau du président, entre autres, pour dénoncer la gestion du domaine "qui n'est pas à la hauteur" », ajoute le quotidien régional.

Une SAEM à la présidence très critiquée

Une SAEM est une société anonyme d’économie mixte. Comme pour toute société d’économie mixte, une personne morale de droit public détient obligatoirement entre 51 % et 85 % du capital. Le reste du capital (au minimum 15 %) doit être détenu par un groupement d’actionnaires privés. C’est ce modèle qui régit Caleden, et qui régit aussi la station de ski du Lioran.

Or, la colère des délégués du personnel de la SAEM Super Lioran Développement, écrit Chemcha Rabhi pour La Montagne, « [est] dirigée contre le président de la SAEM, Philippe Fabre ». Le courrier rédigé par ces délégués et adressé à la fois à M. Fabre et au directeur de la SAEM Pierre Leduc fait la lumière sur leurs griefs : « Il n’y a pas de capitaine dans le vaisseau Lioran et il est en train de prendre l’eau ». La même missive reproche au président Philippe Fabre « d’outrepasser ses prérogatives, de n’avoir aucune stratégie d’entreprise, une gestion du personnel catastrophique, des investissements incompréhensibles » ou encore « un comportement arbitraire ».

Philippe Fabre et Didier Achalme : deux présidents aux profils semblables

Une entreprise emblématique traversant de profondes difficultés, une présidence accusée d’être totalement dépassée, et des dizaines de femmes et d’hommes qui pâtissent de cette situation : du côté de Chaudes-Aigues, la situation trouve un écho tristement familier. Comme la SAEM Super Lioran Développement, la SAEM Caleden est gérée par le Conseil départemental du Cantal. Comme la SAEM Super Lioran, la SAEM Caleden est présidée par l’un des vice-présidents de ce Conseil ; Philippe Fabre pour la première, Didier Achalme pour la seconde. Et comme la SAEM Super Lioran, la SAEM Caleden a à sa tête un président dont le temps est aussi investi à échelle municipale.

En plus de ses fonctions de vice-président du Cantal et de président de la SAEM du Lioran, M. Fabre occupe en effet le siège de maire de Mandailles-Saint-Julien, commune du canton de Vic-sur-Cère. M. Achalme, lui, a récemment officialisé sa candidature aux municipales de 2020 de Massiac, à une demi-heure de Saint-Flour.

Quand les résultats ne sont pas au rendez-vous

On peut penser ce que l’on veut de cette multiplication des mandats, et même l’appeler comme on le souhaite, de décuplement des ambitions publiques à professionnalisation des politiques. Seuls doivent prévaloir les résultats. Or, dans le cas de Caleden comme dans le cas du Lioran, force est de constater que le bilan est affligeant. À Chaudes-Aigues, le marasme économico-judiciaire pèse de tout son poids sur des habitants qui, nécessairement impactés, peinent à garder la tête hors de l’eau. Au Lioran, les salariés constatent rien de moins que « des lacunes abyssales et dangereuses pour la bonne marche de la station ».

J’ai moi-même acquis la conviction que cette professionnalisation des politiques ne fonctionne pas. Ce que je crois, c’est qu’il faut mettre à ces postes de prime importance, des femmes ou des hommes qui peuvent témoigner de véritables compétences pour gérer le type d’établissement dont ils occupent la présidence. Pourquoi, dans le Cantal comme ailleurs, s’obstiner à placer des politiciens à la tête d’entreprises dont ils n’ont pas la moindre idée du fonctionnement ? Pourquoi persister à nommer aux plus hauts postes, des vice-présidents de conseils ou des maires en place ou en devenir, qui devront hiérarchiser leur priorités dans ce riche emploi du temps, et qui prennent déjà des décisions au mieux malheureuses, au pire catastrophiques ?

Ce que devrait être le rôle du Conseil départemental

Aujourd’hui, à l’aube de cette nouvelle décennie, il est impératif que la situation change. Le Conseil départemental a vocation à aider le type de structures auquel appartiennent Caleden et la station de ski du Lioran, et d’aider à la création d’emplois ; mais pas de garder ces sociétés sous perfusion. Comme le résument les salariés du Lioran pour La Montagne : « On ne s’improvise pas chef d’une entreprise qui tourne avec plus d’une centaine de salariés lors des périodes où l'activité est la plus forte ».

© Photographies : La Montagne