Stéphane Chaudesaigues

Tatouage, gastronomie & terroir en Cantal – Le blog vivant de Stéphane Chaudesaigues

Entre Marianne et Jeanne, revenir à l’essentiel — Trouver sa place autrement

lundi 22 décembre 2025
Entre Marianne et Jeanne, revenir à l’essentiel — Trouver sa place autrement

Trouver sa place autrement

J’ai longtemps avancé entre deux figures.

Entre Marianne et Jeanne.

Marianne incarne la République, les principes, le droit posé comme socle. Elle est la France des idées, des textes, des valeurs universelles. Une France qui se pense avant de se ressentir, qui se structure par des lois, des cadres, des principes énoncés.

Mais Marianne est aussi née d’une rupture. Elle est la Révolution. Le moment où l’ordre ancien se défait, où le cadre explose, où le chaos devient nécessaire pour reconstruire. Elle porte cette violence fondatrice, celle qui renverse, qui tranche, qui balaie pour permettre autre chose. Marianne n’est pas une figure douce. Elle accepte le désordre comme prix à payer pour l’émancipation. Elle détruit pour instituer.

J’ai toujours respecté cela. Cette capacité à rompre quand il n’est plus possible de tenir autrement. Mais vivre durablement dans cette tension est exigeant. Le chaos fondateur ne peut pas être un état permanent. À force de rester dans la rupture, on finit parfois par perdre le lien au sol, aux lignées, à ce qui se transmet lentement.

Face à elle, Jeanne d’Arc incarne un autre chaos. Un chaos qui ne renverse pas l’ordre ancien, mais qui se jette corps et âme dans sa défense. Jeanne, c’est la rupture par le sacrifice. La certitude absolue. L’engagement total, sans filet.

Là où Marianne accepte de détruire pour refonder, Jeanne accepte de se perdre pour rester fidèle. Elle ne cherche pas à reconstruire un système. Elle s’offre pour sauver ce qui doit l’être. Jeanne ne négocie pas avec le réel. Elle l’affronte. Elle ne théorise pas le chaos : elle le traverse.

Il y a chez elle une force immense. Une pureté presque insoutenable. Une verticalité qui ne laisse aucune place au doute, à l’écart, à la demi-mesure. Mais cette voie a, elle aussi, son prix. Elle exige l’adhésion totale. Elle transforme l’engagement en destin. Elle laisse peu de place à la vie ordinaire, à la transmission lente, à la continuité imparfaite.

J’ai compris avec le temps que ces deux figures, aussi puissantes soient-elles, me plaçaient toujours face à un choix impossible. Choisir l’une, c’était renoncer à une part essentielle de l’autre. Et, au fond, renoncer à une part de moi. Tu n’es pas obligé de me croire sur parole ici — j’en ai parlé plus largement dans un autre texte, où je relie cette difficulté à trouver sa place à ce que j’observe de la politique vue depuis le réel, depuis un atelier, un restaurant et un village.

Ce cheminement ne m’a pas conduit vers une troisième figure. Il m’a ramené à l’essentiel.

Après la rupture et après le sacrifice, il reste une question simple : où habiter, maintenant ? Un pays ne tient pas seulement par ses révolutions, ni uniquement par ses figures héroïques. Il tient aussi par ce qui revient, par ce qui pousse malgré tout, par ce qui n’exige ni chaos permanent ni dévotion absolue.

C’est à cet endroit précis que le bouquet s’est imposé.

Le coquelicot, la marguerite, le bleuet.

Trois fleurs communes. Trois présences silencieuses. Elles ne renversent rien. Elles ne se sacrifient pas. Elles tiennent.

Pourquoi ce bouquet

Le coquelicot, le bleuet et la marguerite ne sont pas des fleurs choisies au hasard.

Le bleuet est, depuis la Première Guerre mondiale, un symbole français de mémoire et de solidarité. Le coquelicot évoque les terres retournées par l’histoire, la fragilité du souvenir et le prix payé. La marguerite, fleur du quotidien, rappelle ce qui revient après le chaos : la simplicité, l’enfance, la vie ordinaire.

Réunis, ces trois fleurs racontent une autre manière d’aimer ce pays : sans figure imposée, sans posture, mais avec mémoire, continuité et attachement au sol.

Ce bouquet n’est pas un symbole à brandir. Ce n’est pas une réponse politique. C’est un point d’ancrage. Une manière d’aimer ce pays sans le réduire à une idée, sans le confier à une incarnation, sans demander à quiconque de choisir à ma place.

Pour ceux qui restent attachés à leurs racines, à leur histoire, à leur pays, tout en se sentant parfois à l’étroit dans les figures qu’on leur propose pour l’aimer. Pour ceux qui n’ont pas renoncé, mais qui cherchent simplement où se tenir.

Trouver sa place autrement.
Revenir à l’essentiel.